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Tout savoir sur la ronce

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Message par Maluco Mar 3 Mai - 14:40

Voici le lien du document original : http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/21810/RFF_1985_4_288.pdf?sequence=1?

Et une fois de plus, la version modérée, pour des questions d'accessibilité :

L. Wehrlen a écrit:
La Ronce est le berceau du Chêne, disent les forestiers lorrains ; elle est la mère du Hêtre, précisent les normands.
Ces dictons reconnaissent l'action bénéfique d'une plante, indicatrice de station riche, qui peut cependant poser des problèmes aux sylviculteurs, particulièrement pour la régénération des futaies feuillues.
En effet, l'ouverture des peuplements, au cours des coupes d'ensemensement, peut provoquer un développement explosif de la Ronce, incompatible avec la survie des jeunes semis précieux.
Que faire ? Détruire impitoyablement la ronce, la maîtriser ou même, dans certains cas, la maintenir ?
Cet article, à base essentiellement bibliographique, ne répondra pas directement à ces questions.
Il vise seulement à mieux connaître la Ronce, sa biologie, ses rôles, les problèmes qu'elle pose en forêt et, très sommairement, les moyens existant pour la combattre.

BIOLOGIE DE LA RONCE

Définition

Nom botanique de l'espèce étudiée : Rubus fruticosus L. agg. (famille des Rosacées).
Nom commun : Ronce
Noms communs synonymes : Ronce arbrisseau, Aronce, Catimuron, Mûrier sauvage, Mûrier des haies, Mûrier de renard, Mûron, Mûre.
Les ronces constituent sans doute un des genres les plus complexes de toute la Botanique. Elles ont la possibilité de pouvoir former des embryons sans fécondation. Cette particularité, appelée apomixie, a contribué à la différenciation d'un nombre considérable d'espèces, parmi lesquelles peu de spécialistes peuvent se vanter de se retrouver, exception faite pour quelques espèces bien différenciées (Becker et al., 1982).

Biologie et forêt

Linné (1737) décrivait déjà quatre espèces de Rubus pour la France; l'Abbé Boulay (1877), plusieurs centaines.
Bonnier (1934) précise que 150 espèces principales de ce genre sont décrites pour les contrées tempérées, tropicales et subtropicales du globe.
Heslop-Harrison (1968) rapporte que plus de 2 000 espèces auraient été décrites.
Gustafsson (1942) considère que cette grande quantité d'espèces est due à l'apomixie et à l'hybridation. Mais, en plus du grand nombre d'hybrides entre les races, certains auteurs classent toutes ces races comme espèces de premier ordre. D'autres n'en distinguent qu'une partie, de telle sorte que la plus grande confusion règne dans la classification de toutes ces formes (Bonnier, 1934).
Pour l'espèce qui nous intéresse particulièrement : Rubus fruticosus L, Bonnier n'hésite pas à dire que l'on peut réunir sous ce nom général des milliers de formes souvent très difficiles à distinguer les unes des autres.
Pour ne pas entrer dans ce labyrinthe botanique, nous nous contenterons de décrire Rubus fruticosus L. aggregate, sur la base de la description de Amor et Miles (1974).

Description

Les ronces sont des sous-arbrisseaux vivaces, plus ou moins épineux, dont la souche ligneuse produit de longs rejets d'une longueur moyenne de 3 m, appelés turions ou sarments, à section anguleuse. Ces rejets sont bisannuels et sont munis d'aiguillons droits ou crochus plus ou moins nombreux. A la fin de la première année, les turions se recourbent, touchent terre à leur extrémité et s'enracinent.

Les pétioles, glabres ou légèrement pileux, peuvent être munis d'aiguillons.
Les feuilles sont alternes et caduques, mais elles peuvent persister sur les turions jusqu'en fin d'hiver. Elles présentent 3 à 5 folioles à bord denté, disposées en éventail. Les feuilles des tiges florifères, de seconde année, peuvent n'avoir qu'un limbe divisé en 3 ou 2 folioles, voire une seule.
La surface supérieure des feuilles est verte et glabre ou légèrement pileuse ; la surface inférieure, plus claire, peut être de peu à très pileuse.

La floraison a lieu de juin à août. Elle s'effectue sur des pousses totalement florales, issues de bourgeons situés eux-mêmes en position médiane ou basale sur les rameaux arqués de deuxième année.
Les fleurs sont hermaphrodites et régulières, d'un diamètre moyen de 2 cm. Le calice comporte 5 sépales verts, renversés après la floraison. Les pétales, au nombre de 5, sont alternés avec les sépales. Ils sont étalés et de couleur pouvant varier du blanc au rosé foncé. Il y a un grand nombre d'étamines qui, après floraison, se dessèchent et se recourbent sur la face interne de leurs filets.

Les carpelles, très nombreux, sont glabres ou pileux. Ils se transforment en drupes de 2 à 4 mm, agglomérées, pour former le fruit bleu foncé à noir, appelé communément : mûre. Le diamètre d'un fruit peut varier de 0,5 à 3 cm. Il est fréquent de trouver jusqu'à 30 mûres par rameau fructifère.

Distribution et habitat

Distribution mondiale
On trouve Rubus fruticosus L. agg. entre le 30e et le 65e  parallèle de l'hémisphère Nord et entre
le 28e  et le 40e parallèle de l'hémisphère Sud.
Son aire de répartition s'étend sur toute l'Europe, l'Afrique du Nord (Atlas), l'Afrique australe, le Sud-Est de l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis et le Chili. La Ronce est également présente plus près de l'Equateur, mais à des altitudes plus élevées (on en trouve jusqu'à plus de 2 000 m d'altitude).

Habitat
La Ronce est très commune dans tous les types d'habitats, mais elle ne fructifie régulièrement et abondamment que dans les haies, les clairières et les coupes forestières récentes (Becker et al., 1982). En montagne, on peut la trouver jusqu'à l'étage alpin.
Son aire de répartition se situe en majorité dans les régions où la pluviosité moyenne annuelle est de l'ordre de 750 mm (Amor, Richardson, 1980). Elle s'adapte aussi aux régions dont la pluviosité annuelle est plus importante (jusqu'à 1 500 mm), mais on trouve plus rarement la Ronce lorsque les précipitations annuelles sont inférieures à 500 mm. Pour le régime hydrique, la Ronce se plait aussi bien en régime normal qu'en régime sec (Picard, Timbal, 1980).

Les besoins photiques (cad en phosphore) d'une ronce adulte peuvent être très faibles, ce qui explique sa présence sous les vieilles futaies. Tansley (1949) rapporte que la ronce peut se maintenir en forêt avec un éclairement qui correspond à peine à 10% d'éclairement relatif.
Mathieu (1897) note que la ronce disparaît d'elle-même quand la terre reste trop longtemps en friche et que la végétation arbustive ou arborescente prend le dessus pour constituer un nouveau couvert. Toutefois, avant que d'autres espèces ligneuses ne soient présentes pour entrer en concurrence avec la Ronce, celle-ci a une préférence très marquée pour les forts éclairements (Picard, Timbal, 1980).

Le sol n'a pas une influence primordiale sur la ronce, néanmoins Watson (1958) constate qu'elle préfère les sols légèrement acides aux sols calcaires. Les forestiers observent que la ronce est plus vigoureuse sur les limons fertiles et frais (Le Pont, 1960) que sur les sols bruns calciques où elle est souvent moins abondante (Picard, Timbal, 1980). Le pH des sols convenant à la  ronce varie de 5,4 à 7 (Amor, Stevens, 1976).

Croissance et développement

Morphologie et croissance

Rubus fruticosus est un Chaméphyte herbacé à base ligneuse : les pousses sont végétatives durant la première année et florifères durant la seconde année. Le renouvellement des sarments s'effectue par des pousses basales. Les uns, arqués, sont issus de bourgeons inférieurs, fixés sur la base des sarments en place, les autres, plus vigoureux, sont issus directement de bourgeons fixés sur la souche, donnant l'illusion de pseudo-drageons (Montegut, 1982).
Généralement, en fin de seconde année, les rameaux meurent et se dessèchent (Amor, Richardson (1980) citent le cas de tiges ayant vécu 3 ans). Le rameau arqué qui les a portés meurt et disparaît presque totalement
à son tour. Il ne conserve vivant que la base d'où étaient parties les ramifications de l'année, porteuses des boutons floraux pour l'année suivante, et ainsi de suite. Les sarments arqués de deux ans qui portent les inflorescences peuvent se marcotter en entrant en contact avec le sol.

Les ronces sont donc des buissons arqués à pousses bisannuelles se renouvelant par la base de leurs pousses ou par la souche initiale et par marcottage naturel (Montegut, 1982).
L'accumulation de ces pousses peut former un tapis régulier d'une hauteur variant de 0,20 m à 1,50 m de haut, mais elles peuvent également former des fourrés impénétrables de plusieurs mètres de haut.

Phénologie

La phénologie (influence des phénomènes saisonniers) de la Ronce a été décrite en détail par Watson (1958) en Grande-Bretagne. Nous nous contenterons d'observer sommairement ces phénomènes :
En avril-mai, les tiges végétatives s'allongent assez rapidement et leur croissance peut durer jusqu'en automne. Nous avons observé que les feuilles restent sur les tiges, habituellement jusqu'au milieu de l'hiver (janvier-février), mais cette propriété semble être très variable et nous n'en avons pas trouvé de trace dans la bibliographie.

En effet, la situation de la ronce, son exposition et les conditions climatiques plus ou moins rigoureuses lui permettent de garder ses feuilles longtemps ou au contraire de les lui faire perdre très tôt.

Si l'hiver est rigoureux, les feuilles peuvent geler et tomber dès le mois de novembre, surtout en lisière de forêt et dans les endroits ventés et exposés au froid. Dans le cas contraire d'un hiver particulièrement doux, les feuilles restent en place jusqu'en mars-avril. Il arrive même que les nouveaux bourgeons de printemps s'ouvrent et que les premières feuilles s'étalent (comparable au stade E de la vigne — ACTA 1982), alors que celles de l'année précédente sont encore présentes (observation personnelle, début mai 1983).
En plusieurs années d'observations, nous n'avons constaté qu'un seul cas de destruction très rapide de l'appareil aérien d'un roncier par le gel (observation Frochot — Wehrlen) : après une période relativement douce en fin d'hiver, un froid très vif a suivi très rapidement cette période ; les ronces ont eu les feuilles brûlées par le froid, les tiges ont séché peu après.

Reproduction par semis

Production de graines
Les mûres sont constituées d'un nombre variable de petites drupes agglomérées dont la maturité est étalée du mois d'août au mois de novembre. Chaque drupe contient 2 ovules dont l'un avorté. La graine est protégée par un endocarpe dur, de 2 mm de long et pesant 2 à 4 mg. La germination a lieu au printemps. L'éclairement a une influence capitale sur la production de fleurs et, par conséquent, de fruits.

Phelouzat et Levacher (1981) observent 2 ronciers situés l'un en pleine lumière, l'autre sous futaie de Hêtre :
Au printemps, dans les deux cas, les bourgeons renferment des inflorescences. Seule la partie en pleine lumière conduit à un épanouissement floral abondant ; 92,6 % des souches de ronce vont fructifier. Sous la hêtraie, la floraison va être amoindrie ou stoppée ; seulement 5,8 % des souches de ronce vont fructifier.

Dans de bonnes conditions d'éclairement, un roncier âgé de sept ans produit de 7 000 à 13 000 graines par m2. Amor a effectué un essai de germinations pour connaître la faculté germinative des graines : dans les conditions naturelles, 1 % des graines ont germé la première année, 9 % la seconde année et plus rien les deux années suivantes. Il en a conclu que 10 % seulement des graines sont capables de germer (Amor, 1973) ; ce qui donne un potentiel de 700 à 1 300 semis au m2.

Malgré cette grande possibilité théorique, peu de semis arrivent au stade de plantule. Il suffit que la graine tombe dans un milieu défavorable pour qu'elle ne puisse pas germer, sans compter les prédateurs des graines et les agents pathogènes qui s'attaquent à la graine et à la jeune plantule.

Dispersion des graines

La graine de ronce a une dispersion verticale par gravité. En plus de ce mode de propagation très simple, la mûre est transportée par de nombreux autres moyens naturels. Les oiseaux sont d'importants agents de propagation de la graine de ronce, en particulier les merles et les grives qui consomment la mûre en abondance (Graf, Wehner, 1964). Non seulement, ils transportent les graines, mais le passage de celles-ci dans leur tube digestif a une action bénéfique sur la faculté germinative de ces dernières: Northcroft (1927) a nourri des oiseaux avec des mûres de Rubus fruticosus L. agg. ; il constate que le pouvoir germinatif des graines, contenues dans les fientes, est passé de 10% (témoin non digéré) à 17%. Dans la même expérience, il fait absorber des baies de Rubus laciniatus Willd. (sous-espèce de Rubus fruticosus L. agg.) et note que le pouvoir germinatif passe à 28 %.

Cette dispersion endozoochore n'est pas limitée aux oiseaux frugivores, de nombreux petits carnivores et, plus particulièrement le renard (qui « cueille >> les mûres), jouent aussi un grand rôle dans la dispersion des semences. Brunner et al. (1975) ont étudié les variations mensuelles du nombre de semences de ronce dans les déjections du renard. En pleine période de fructification, le pourcentage de déjection contenant des semences varie de 50 à 90 %. La moyenne mensuelle maximale est de 570 graines par déjection. Ces semences ont été soumises à des tests de germination pendant une période de 10 mois. Non seulement la germination a commencé dès le printemps, mais elle est comprise entre 22 et 35 % (la germination de graines témoin, non digérées, étant de 10 %).

Développement des semis de ronce

La survie et la croissance des semis sont directement liées à la lumière. Ce facteur a été étudié par plusieurs auteurs. Ils ont observé que les semis de ronce disparaissaient si l'ombrage était important. Amor (1974) mesure la lumière minimum nécessaire aux jeunes semis pour se développer ; si le seuil de lumière passe à moins de 44 % du plein ensoleillement, les semis finissent par mourir.

Multiplication végétative

Marcottage
En automne, les extrémités des turions présentent une inflexion géotropique positive et s'allongent rapidement jusqu'à atteindre la terre. Dès que l'extrémité est en contact avec le sol, des racines adventives se forment. Au printemps suivant, une pousse commence sa croissance sur cette nouvelle souche.

Certains auteurs pensent que la formation des racines est stimulée par l'action mécanique du frottement de l'apex sur le sol.
Barnola observe que l'un des facteurs déterminant de l'enracinement apical est lié à la diminution de l'intensité d'éclairement, en fin d'été. De plus, il note que « l'enracinement apical plus ou moins rapide, suivant la vigueur de la plante, fait qu'une plante chétive donne facilement une nouvelle tige qui pourra être plus vigoureuse qu'elle. Ainsi, les plantules issues de graines se marcottent rapidement et produisent des tiges plus fortes dès la deuxième année. C'est un caractère qui adapte la plante à une propagation et une conservation efficaces » (Barnola, 1971).

Grâce à cette faculté de marcottage, la ronce peut coloniser facilement un espace nu ou libéré par une autre végétation (Dreyfus, 1983).

Drageonnage

La formation de drageons se fait à partir de racines latérales et de fragments de racines. On observe une moyenne de 3 drageons au m2 (Amor, 1974). Northcroft (1927) rapporte que les drageons peuvent émerger d'une profondeur de 45 cm. Le fauchage favorise et stimule la formation de drageons (Amor, 1974).

Comme pour Cirsium arvense (L.) Scop., la suppression de la partie aérienne lève la dormance de bourgeons situés sur les racines (Montegut, 1982). De nombreux forestiers ont appris cette propriété, applicable à la ronce, à leurs dépens (Le Pont, 1960): après un traitement chimique sur la ronce avec un herbicide systémique (2, 4, 5-T), les sylviculteurs font souvent un travail du sol pour enfouir les hampes sèches et préparer un lit de semence à la régénération future.

Si le labour est effectué trop tôt, l'herbicide n'aura pas le temps de migrer dans toute la plante et il ne détruira ainsi que la partie aérienne. Dans ce cas, le travail du sol risque de multiplier la ronce, car la polarité du système racinaire est maintenue dans les fragments racinaires sectionnés par la charrue (Dreyfus, 1983).

Bouturage
Becker et al. (1978) constatent qu'après un passage de rotavator en forêt, le développement de la ronce est favorisé. Cette observation pourrait s'expliquer par le fait que l'engin coupe la ronce en tronçons qui sont ensuite partiellement recouverts de terre ou totalement enfouis. Il y a peu de documents sur ce sujet, mais les variétés de Rubus se reproduisent facilement par bouturage.


ENNEMIS NATURELS DE LA RONCE

Dans ce chapitre, nous ne parlerons pas du rôle de l'homme qui, par différentes interventions sylvicoles, mécaniques ou chimiques, arrive à détruire la ronce.

Mammifères
Quelques mammifères ruminants, sauvages ou domestiques, consomment occasionnellement ou régulièrement de la ronce.
Le mouton et la chèvre, dans des conditions naturelles d'élevage (friches, pâtures), ne dédaignent pas les feuilles de ronces, mais ces prélèvements irréguliers et peu fréquents ont une influence négligeable sur celle-ci.

Une forte densité de chevreuils (20 aux 100 hectares) peut réussir à stopper très localement l'extension d'un roncier (observation personnelle).
Une très forte densité de cerfs (10 aux 100 hectares) a une influence très nette sur les ronces. Allain et al. (1978) notent que le développement de Rubus fruticosus L. agg. est certainement retardé par l'abroutissement des cerfs et que, dans certaines stations, la Ronce est une espèce qui risque même de disparaître.

Insectes

Une étude faite dans les pays de l'Europe de l'Ouest par Scheibeireiter et Bruzzese (1979) a recensé neuf insectes xylophages parasites de Rubus fruticosus L. agg. Huit d'entre eux ne causent que quelques dommages mineurs, mais l'insecte polyphage Hartigia albomaculatus a retenu leur attention : celui-ci creuse ses galeries dans la moelle des tiges, et par cette action cause des dégâts assez importants aux ronces. Des expériences sont actuellement en cours pour étudier plus précisément cet insecte, afin de l'utiliser éventuellement dans le cadre d'une lutte biologique (Amor et Richardson, 1980).

Champignons et agents parasitaires

Scheibeireiter et Girling (1978) ont inventorié 17 agents parasitaires trouvés sur Rubus fruticosus L. agg. en Europe: 1 bactérie, 1 virus et 15 champignons.
L'influence des deux premiers agents, ainsi que la plupart des champignons, n'est pas assez forte pour compromettre la vie d'un roncier.

Seuls deux champignons ont retenu leur attention pour le rôle néfaste qu'ils peuvent jouer sur la ronce : Septocyta ruborum et surtout Phragmidium violaceum. Ce dernier semble donner des résultats prometteurs pour envisager une lutte biologique ; il est très répandu en France et communément appelé « Rouille de la ronce» (communication personnelle Morelet, 1983).

Plantes

Des observations ont été faites après une intervention de l'homme qui, en réalisant des traitements herbicides en forêt, peut modifier la flore naturelle. Cette modification de flore peut être en faveur ou en défaveur de nombreuses plantes, dont la ronce (Frochot et al., 1979, Wehrlen, 1980, Dreyfus, 1983).


LES RÔLES DE LA RONCE

Utilisation de la ronce par l'homme

Le fruit de la ronce : la mûre, est bien connu de tous pour ses qualités gastronomiques. Il est fort probable qu'elle servait déjà d'aliment de choix aux populations préhistoriques (Becker et al., 1982). Chaque année, l'industrie alimentaire française importe 2 700 tonnes de mûres destinées principalement aux confitureries (provenant de Pologne, de Roumanie, d'Ecosse et du Chili).

Nous ne parlerons pas des nombreuses propriétés médicinales de cette plante, si ce n'est pour citer Théophraste qui, au IVe avant J.C., connaissait déjà la ronce et ses utilisations thérapeutiques.

Les tiges, fendues en long, servaient à faire des paillassons et des cercles de tonneaux. Le bois des arceaux était utilisé en vannerie ; on l'employait également pour le chauffage des fours (Becker et al., 1982).

Dans certaines régions, les floriculteurs spécialistes du Cyclamen et de l'Azalée utilisent les tiges sèches des ronces, broyées et décomposées, pour en faire de la « terre de roncier », très recherchée localement pour ces cultures (La Fouchardière, 1959).


Utilisation de la ronce par les animaux

Nous l'avons déjà dit (page 295), la ronce fait partie du régime alimentaire des grands herbivores forestiers. Nous retiendrons que, pour le cerf, la Ronce est l'espèce ligneuse principale de son régime alimentaire d'été, d'automne et d'hiver. Le chevreuil est un inconditionnel de la Ronce, car elle reste l'espèce ligneuse de base dans son alimentation, et cela toute l'année.

Dans les forêts riches floristiquement, plusieurs études montrent que, malgré la diversité de la végétation, l'apétence du chevreuil pour la ronce est très marquée et que celle-ci augmente en hiver (Boisaubert, 1982; Maillard, 1984).
Les moutons et les chèvres consomment occasionnellement les feuilles de ronces.
Lapins et lièvres trouvent sous les ronciers (lisières ou andains) des terriers et des gîtes parfaitement protégés contre leurs prédateurs (Amor, 1980, et observations personnelles).
En plus du renard dont nous avons déjà parlé (page 293), les petits carnivores sauvages savent eux aussi profiter des bienfaits de la Ronce : putois, fouines, martres et blaireaux partagent avec l'homme leur gourmandise pour les mûres (Deom, 1979).
Les oiseaux (page 293) consomment les baies de ronce : des comptages permettent d'affirmer que l'augmentation d'abondance du merle en août-septembre correspond à l'exploitation de cette nourriture temporairement surabondante. On peut penser que ces baies contribuent à assurer la survie automnale des sylviidés et du rouge-gorge (Frochot, 1971).
Les abeilles et les insectes trouvent dans les fleurs une source de pollen et de nectar, dont ils profitent trois mois, chaque année (Amor, 1980).

Action de la ronce sur le sol et les végétaux

Dans les régions au relief accidenté, la ronce peut avoir un rôle de protection du sol contre l'érosion. Son système racinaire très dense et la présence de nombreuses tiges ralentissent fortement le ruissellement de l'eau. Grâce à ces observations anciennes, on a planté de la ronce au siècle dernier en Australie, sur les bords de rivières, pour mieux maintenir le sol des berges (Amor, Richardson, 1980)

La décomposition particulièrement rapide des feuilles et des tiges mortes de la ronce améliore sensiblement le terrain (La Fouchardière, 1959).
Les forestiers reconnaissent l'effet favorable de la ronce dans les plantations, lorsque les plants sont suffisamment développés pour ne plus être en compétition-lumière avec celle-ci. Par son feuillage épais et serré, la ronce ombre parfaitement le sol et le protège de l'ensoleillement direct. Elle réussit à maintenir une ambiance humide au pied des plants précieux.
G. de La Fouchardière (1959) observe que la ronce, mieux que tout, cause la mort de l'herbe. Il note la progression des ronciers à partir des talus, fossés et andains, sur des terrains couverts de certaines graminées. Celles-ci commencent à disparaître et, deux ans plus tard, on ne retrouve plus, sous le roncier impénétrable, que les souches mortes ou mourantes de dactyle ou de molinie.
De ce point de vue, la ronce peut devenir un allié du sylviculteur en exerçant une compétition moins forte que les graminées.


LES PROBLÈMES POSÉS PAR LA RONCE EN FORÊT

Le développement explosif de la ronce est lié aux opérations sylvicoles.
Prenons par exemple le cas d'une régénération naturelle de futaie, par coupes progressives.
La première coupe, dite coupe d'ensemencement, consiste à enlever les arbres de l'étage dominant n'ayant pas d'intérêt comme producteurs de semence, tout en laissant sur pied un nombre suffisant de semenciers de qualité. Lors de cette coupe, on veille également à supprimer le sous-étage et le sous-bois.
Ces opérations ont pour effet immédiat d'éclairer le sol, ce qui autorise l'installation d'un tapis herbacé, particulièrement sur les stations riches (Buffet, 1978).

De nombreuses observations permettent d'affirmer que dans une majorité de stations de Chêne et de Hêtre, on trouve la ronce à l'état diffus et clairsemé sous les grandes futaies.
Dans ces conditions, l'éclairement du sol permet le développement d'un tapis dense et quasi continu de ronce, pouvant créer des obstacles à la fois mécaniques, en empêchant une certaine quantité de semence d'atteindre le sol (mulch trop épais de feuilles et de hampes sèches), et biotiques, en exerçant une forte concurrence sur les plantules d'arbres (Picard, Timbal, 1980).
Les semis naturels naissants ne supportent pas le manque de lumière occasionné par l'ombrage de la ronce
.
Sous un roncier, important, le semis de Chêne pédoncule d'abord, rouvre ensuite, peut mourir dès la fin de sa première année. Le plus souvent, il disparaît au cours de la deuxième année de végétation.

Le semis de Hêtre, pourtant considéré comme étant une essence d'ombre, ne supporte pas plus que le Chêne une trop forte privation de lumière. On observe bien souvent sa disparition dès la première année (Le Pont, 1960).

Conscient de ce problème, le sylviculteur se trouve en face de deux solutions :
— il est possible d'empêcher l'extension de la ronce, si celle-ci n'est pas trop développée, par une technique culturale peu utilisée en régénération de feuillus : la méthode de la coupe unique ; dans de bonnes conditions, la régénération des ligneux intéressants peut alors démarrer suffisamment vite pour prendre de l'avance dans la course à la lumière engagée avec la végétation concurrente ;
— il reste une deuxième solution, qui consiste à enlever par différents moyens la ronce déjà
installée.

MÉTHODES DE LUTTE CONTRE LA RONCE

La mécanisation des travaux n'est possible que lorsque les parcelles sont accessibles aux tracteurs (absence de tranchées, fossés, rochers, pente importante, etc.).

Fauchage
C'est actuellement la méthode la plus répandue pour lutter contre la ronce :
— le fauchage manuel au croissant ou au fauchon forestier est un travail pénible et d'un rendement faible ;
— le fauchage mécanisé à la débroussailleuse portative est pénible aussi, mais plus rentable.

Gyrobroyage
Cette méthode, assez courante, utilise deux types de matériel :
— le gyrobroyeur à axe vertical, muni de couteaux ou de chaînes, fauche la ronce à une certaine hauteur du sol et broie les hampes fauchées ;
— le gyrobroyeur à axe horizontal à marteaux, pulvérise totalement la végétation pour la transformer en mulch. De plus, il effectue un léger travail du sol en surface, ce qui hache aussi les souches de ronces.
Il existe une technique plus élaborée qui consiste à gyrobroyer, puis à passer un cultivateur canadien pour arracher les racines des ronces.

Rouleau landais

Lorsque le sol le permet, cet engin peut faire un bon travail. Il coupe la végétation en débris de quelques centimètres, tout en travaillant légèrement le sol.

Peignage
Cette opération consiste à tracter un cultivateur forestier sur la ronce pour la « peigner » et l'arracher en partie. Il est préférable d'opérer avant glandée ou sur régénération acquise, car le cultivateur et la ronce peuvent entraîner une forte proportion de glands lorsqu'on effectue le travail juste après leur chute. Cela donne des répartitions inégales et des accumulations localisées de semis (Buffet, 1978).

Crochetage
II s'effectue avec une charrue à disques ; ce procédé favorise la multiplication végétative (Le Pont, 1960).

Labour
Le labour à la charrue forestière peut se faire si le terrain le permet, mais son effet sur la ronce n'est pas suffisant (Buffet, 1978).

Pâturage
En Nouvelle-Zélande et aux Etats-Unis, on a étudié récemment cette solution : des chèvres maintenues deux ans à une densité de 7,5 chèvres/ha détruisent la ronce totalement (avant régénération).

Fauchage + pâturage
La combinaison de ces moyens assure un contrôle total de la ronce.

Fauchage multiple
Variante de la solution précédente, il favorise l'apparition d'un tapis herbacé à base de graminées.

Lutte biologique
Très récent, ce moyen de lutte est actuellement utilisé au Chili où un champignon : Phragmidium violaceum a été importé d'Angleterre et inoculé sur Rubus fruticosus L. agg.

Herbicides
A quelques exceptions près, les moyens mécaniques de destruction de la ronce ne sont pas sélectifs des semis naturels. C'est pourquoi le forestier, préoccupé par la destruction de la végétation indésirable et d'elle seule, s'est tourné progressivement vers l'utilisation des herbicides qui assurent, en outre, une maîtrise plus durable dans le temps que la plupart des autres moyens de lutte.

La technique de la lutte chimique ne peut pas être résumée en quelques lignes et ce n'est pas là le but de cet article. Néanmoins, les résultats récents, obtenus par des applications d'herbicides systémiques à absorption foliaire, sont exposés en détail dans d'autres publications citées en bibliographie (Frochot, Wehrlen, 1980; 1983).

Herbicide + gyrobroyagé
Après un traitement herbicide, on détruit les hampes sèches par un passage de gyrobroyeur.

Herbicide + labour
Après un traitement herbicide, on détruit les hampes sèches par un passage de charrue à
disques.

Feu contrôlé
Cela consiste à brûler les hampes sèches de ronces en hiver, après une destruction chimique
d'été.

Une bonne connaissance de la biologie et des rôles de la ronce peut contribuer à intervenir utilement et efficacement en faveur d'un jeune peuplement. A l'aide de ces nouveaux éléments, le forestier jugera des risques et des avantages à laisser la ronce se développer en forêt.
De nombreuses questions restent néanmoins en suspens : quelle est la quantité de ronce nécessaire pour compromettre la croissance ou la survie d'un semis de Chêne ou de Hêtre ?
Quel peut être le degré de compétition exercé, et à quel niveau s'exerce-t-il ? (eau, éléments minéraux, lumière, racines ?).

Il n'existe actuellement pas de donnée chiffrée à ce sujet. En attendant ces réponses, le forestier se contente, par expérience, d'estimer le seuil critique de la compétition : arbre-ronce, et intervient dès qu'il le juge utile, par des moyens manuels ou mécaniques.

Pour les raisons citées plus haut (page 301) et grâce aux progrès réalisés dans l'utilisation des phytocides sur la ronce (Arbonnier, 1957, 1960; Delabraze, 1975; Frochot, Wehrlen, 1980; Wehrlen, 1983), les sylviculteurs s'orientent vers cette voie nouvelle que sont les herbicides en forêt.

Conscients que la destruction totale et définitive de cette plante n'est pas à souhaiter, il faut toutefois avoir la possibilité de maîtriser efficacement la ronce, pendant une durée suffisante pour régénérer le peuplement et favoriser au maximum la croissance des jeunes semis précieux (Frochot, Wehrlen, 1983).

Une prochaine publication fera part des résultats obtenus par des applications d'herbicides systémiques à absorption foliaire, sur la ronce, à trois époques de la période hivernale (fin septembre, mi-février, début avril).
Nous rappelons que le choix de la période hivernale est basé sur deux critères principaux :
— la sélectivité à l'égard des semis préexistants peut éventuellement être obtenue par un traitement herbicide réalisé pendant leur repos végétatif (Frochot, Pitsch, Wehrlen, 1981) ;
— la ronce garde son feuillage en hiver et souvent jusqu'au printemps. Elle reste très sensible aux herbicides utilisés.
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